Paul Kagame: Pourquoi la France nous hait
"J.A.I. : Nombreux sont ceux qui estiment qu'en réalité la présence persistante, dans l'est de la RD Congo, des ex-FAR et d'autres Interahamwes - ces opposants rwandais qualifiés de « forces négatives » à Kigali -, vous arrange. Elle justifie vos constantes interventions chez votre voisin. D'ailleurs, vous n'avez pas fait grand-chose pour les combattre quand vous-même occupiez les lieux, entre 1998 et 2002...
P.K. : Faux. Pendant les deux ou trois ans où notre armée était en RDC, il n'y a pas eu une seule attaque contre le Rwanda de la part de ces gens. Nous les avons poursuivis et détruits avec beaucoup de persévérance. Mais ils sont une bonne dizaine de milliers, et la responsabilité de les désarmer après notre retrait de la RDC incombe aux forces de l'ONU et à l'armée congolaise, pas à nous. Qui a dit que nous avons échoué ? Si la nécessité nous oblige à intervenir à nouveau, vous verrez bien le résultat."
"J.A.I. : Vos relations avec la France ne sont apparemment pas bonnes...
P.K. : C'est une évidence. Et ce n'est pas nouveau.
(...)
J.A.I. : Que faut-il faire pour que les relations s'améliorent ? Que Paris présente des excuses publiques ?Ca se passerait presque de commentaire. Je ne peux pas croire a ce monsieur, car il a prouvé maintes fois que ces buts etaient contraires aux interets de mon pays. Cela dit, je me dois de respect son intellect. N'eut été cette constante attitude d'arrogance et de fausse suprematie dans ses prises de positions, ce serait peut-etre quelqu'un de bien...
P.K. : La France doit reconnaître sa part de responsabilité morale dans le génocide. Elle est la seule à ne pas l'avoir fait. C'est une question de principe. Les excuses viendront ensuite ou ne viendront pas, peu importe. De toute façon, des excuses hypocrites ne valent rien. La balle est donc dans le camp du gouvernement français, à condition bien sûr qu'il souhaite améliorer ses relations avec nous - ce qui reste à prouver. Peut-être pense-t-on à Paris que c'est à nous de nous excuser, pour avoir survécu aux massacres ? Peut-être croit-on à Paris que nous allons finir par remercier la France d'avoir formé les génocidaires, fermé les yeux sur le génocide, puis protégé et sanctuarisé ceux qui l'avaient commis ? Nous ne le ferons jamais. Personne ne nous dictera notre conduite. Sans doute est-ce pour cela que ces gens-là nous haïssent, que cette France-là nous hait.
J.A.I. : Vous parlez de haine ?
P.K. : Oui, je parle de haine, c'est bien de cela qu'il s'agit."
"P.K. : Objection. Je m'efforce de diriger le Rwanda comme on dirige une entreprise. Une entreprise dont je suis le chief executive et dont les cadres, les ministres en l'occurrence, sont tenus par des critères de performance. Une entreprise qui se doit de croître et de dégager des profits dans un seul but : le bien-être du peuple rwandais. Comme toute entreprise, nous sommes jugés sur nos bilans.
J.A.I. : Vous êtes donc le boss. Le boss de Rwanda Inc.
P.K. : Dans un sens, oui. Les quelque huit millions d'actionnaires que compte l'entreprise Rwanda m'ont donné mandat pour être le boss. En retour, j'ai une obligation de résultats."
Mais je ne peux m'empecher de voir la chaine des evenements: l'invasion de 90, le triste et deplorable et injustifiable genocide, les tout aussi dplorables "revenge-killings" par les troupes du FPR, les massacres des Hutus dans la foert vierge de mon pays le Congo... tout cela pour affermir l'emprise sur le pouvoir d'un seul homme: Paul Kagame. En effet, il a toujours noyauté le mouvement du FPR, mettant toujours un Hutu a la tete (Alexis Kanyarengwe, Pasteur Bizimungu) pour donner une impression de conciliation, et se debarassant d'eux des qu'il est pret a monter une marche de plus vers le pouvoir, se batissant un controle toujours plus grand des affaires - d'abord du FPR, puis du Rwanda. De commandant militaire, il est devenu Ministre de la Defense, Vice-President, Pesident a.i., President... tout en eliminant virtuellement toute opposition possible le long du chemin, utilisant le spectre du genocide et des genocidaires ex-FAR et autres (qui, admettons le, sont un vrai probleme qui devra etre resolu) pour justifier ses expeditions nefastes au Congo. Le mot "interahamwe" est l'un des mots de langue africaine les plus connus, et les plus repandus sur le net.
Donc je dis, ce qu'il dit est presque sans commentaires. Le President Kagame est devenu un maitre du "spin", cette tactique qui consiste a dire les choses, non telles qu'elles sont, mais telles que l'on aimerait les faire percevoir. Francois Soudan a raison de le comparer aux dragons asiatiques, car il a une attitude similaire a Li Kuan Yu (Singapore), et Mahatir Muhammad (Malaysie). La meme arrogance assurée, et la meme aura d'infallibilité. La difference, c'est que les deux leaders asiatiques ne detruisaient pas leurs voisins pour assurer leur succes. ces deux leaders n'avaient pas le sang de 3.000.000 de Congolais et de Hutus Rwandais sur leurs mains. Li Kuan Yu et Mahatir Muhammad n'etaient pas responsables - directement ou concomittemment - du genocide de 800.000 membres de leurs ethnie. Kagame a prouvé que lorsque vous servez assez de "spin" au public, pendant suffisament longtemps, et avec un soupcon de preuves, il finit par vous croire. La France a-t-elle eu un role dans la preparation du genocide? C'est une question legitime, et elle devrait etre enquetee, evaluee, et jugee de maniere transparente. Mais dans ce cas la, Kagame et le FPR doivent passer par le TPIR aussi.
C'est bien beau que 10 ans apres, il y ait finalement des films (Hotel Rwanda, Sometime in April, etc) qui narrent cette experience du genocide que certains d'entre-nous - moi y compris - avons vu de nos yeux. J'avais alors 12 ans, et j'ai vu mes voisins tués, une dizaine de mes amis de classe egorgés devant mon ecole, des corps entassés sur le bord de la Nyabarongo, et bien d'autres choses encore. J'ai un souvenir douloureux, mais indelebile de ce qui s'est passé dans ce beau pays. Mais je suis triste que seuls une partie de ceuz qui en etaient responsables sont jugés, et le regime actuel utilise cette tragedie pour imposer de facto, et en douceur, un regime "Tutsi-sant". L'Histoire se repete, et nous n'apprenons rien.
C'est dommage.
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